[Récit & vidéo] Notre première Saintélyon – FINISHERS !!!
(photo ©Flash-Sport)
Résumé des épisodes précédents : Anne-Claire et moi avons suivi assez fidèlement le plan d’entrainement de 12 semaines concocté par Olivier Gaillard chez Urban Running. D’après Strava, Madame aurait couru 180km en novembre. De mon côté, c’est 230 km. Autant dire nos records de volume mensuel. Je ne compte pas le vélo bien sur. Une douleur est apparue au fessier gauche, deux semaines avant la course. Je ne pars pas super rassuré mais j’ai essayé de gérer avec mon kiné et diverses précautions. Vendredi soir, nous rejoignons la capitale des Gaules pour la grande aventure de cette fin d’année. Une année chargée d’émotions et de challenges réussis ou non, pour nous deux.
Vendredi
5h de voiture et la douleur qui s’était estompée, avec une bonne gestion des soins et du repos, revient et diffuse dans toute la jambe. A moins que ça ne soit un effet du dernier footing fait juste avant notre départ. Bref, je suis content d’avoir emmené mon nouveau meilleur ami electro-stimulateur pour me rassurer. Et bien sur, me vient une idée de génie trop tard : me faire poser un K-tape pour douleur musculaire au fessier. Heureusement, j’ai des amis sur place qui me dépannent de deux jolies bandes adhésives violettes qu’Anne -Claire me pose à l’endroit adéquat. Mais vous ne verrez pas de photo.
Le doute est donc toujours présent. Je retiendrai un message de notre ami Loï sur Facebook « Ne t’inquiète pas, tu auras mal partout ailleurs, tu ne penseras pas à ta douleur ». Et il aura plus que raison. Même si le K-taping ou la compression ne sont que placebo, le fait est que je n’aurai aucun problème à ce niveau. Et je dis bien à ce niveau.
Samedi matin, Lyon
Une excellente nuit, un copieux petit déjeuner bien équilibré, une bonne douche massante, notre programme de la journée commence calmement. Comme pour oublier la fébrilité palpable. Nous retrouvons nos amis d’Urban Running, Claire, Mathilde, Estelle, Richard et Cyril. Les autres arrivent plus tard en train. La configuration du retrait des dossards et du village est exactement la même que l’année dernière. Je profite du stand Sigvaris, marque dont j’apprécie les manchons à compression, pour (enfin) essayer leur cuissard compressif. Et l’acheter. Pour le mettre le soir même, avec bonheur d’ailleurs. Je n’ai qu’un reproche à lui faire, il ne résiste pas aux accrocs sur un barbelé …arghhhh !!!
Le traditionnel couloir des stands d’autres trails nous donne l’occasion de gouter plein de fromage, voire même d’alcool pour Cyril que je soupçonne d’avoir un métabolisme qui transforme directement l’alcool en glycogène.
Je salue Philippe Miquel sur le stand du Lozère Trail. Il avait laissé un commentaire plutôt sympa sur mon CR. Je l’assure qu’on devrait encore débarquer avec encore plus d’amis parisiens cette année pour le week-end de Pentecôte. Surtout sur le nouveau 52 km. Nous récupérons notre pochette cadeau avec des gants « Saintélyon ». Direction un restaurant japonais pour le repas entre potes. On se donne rendez-vous pour 18h30 et le départ en car vers St Etienne.
Samedi 20h, St-Etienne
Quelques cafouillages ont fait que nous n’avons pas pris le car avec les autres mais un car parti avant … mais qui arrive après pour cause d’itinéraire encombré. La radio parle d’un match de foot St-Etienne-Bastia à Geoffroy Guichard. On entend, en fond, « Allez les Verts », chanson mythique de mon enfance.
Lors que nous arrivons enfin dans le gymnase géant, nous retrouvons, par hasard, deux autres Urban Runners, Yann et Jean-François. Finalement, le groupe se rejoindra à la Pasta Party en mode cantine. Narcisse, Stephan, Olivier, Bruno « Chicken Run » et Eric sont déjà à table. A part Alexandra, forfait pour blessure, les deux équipes de relais de l’année dernière ont leurs représentants sur la solo cette année. Comme quoi, faire une « partie » de la grande mythique donne irrémédiablement envie de la faire en entier l’année d’après.
Plus tard, après notre installation dans un coin encore vierge de l’immense gymnase qui ressemble maintenant à un camp de réfugié, je retrouve Thomas (lire son super CR ici). On s’est connu il y a 15 ans. On bossait pour la même boite et donc partagions souvent le même sas de sortie, le bar Le Billancourt à Boulogne. Il est ensuite parti bosser en Suisse et vivre dans le Jura. Il est devenu cycliste, traileur, triathlète, avec quelques centaines de km de cols à son actif et un Ironman de Nice. Comme on dit, de l’eau a coulé sous les ponts. Il m’explique sa stratégie de course. A ce moment, je ne suis plus trop sur que je puisse en avoir une. Toujours dans le doute.
J’essaie ensuite de me reposer une heure dans mon sac de couchage après m’être intégralement préparé. Enfin non, je n’ai pas dormi avec mon bonnet, mes gants et ma frontale.
Dimanche 0h00
Nous sommes au départ. Nous nous arrangeons pour partir en tout début de vague 3. Celle de ceux qui compte faire plus de 9h. Estelle, Anne-Claire, Richard, Bruno, Cyril et moi sommes juste devant l’arche. « Thunderstruck » d’AC/DC nous fait sautiller. Avant l’hymne de la Saintélyon « Light my way » de U2, que je déteste, mais le titre est plutôt bien choisi. Et puis, juste avant, on a eu droit à « Debaser » des Pixies, 2 titres de deux de mes groupes préférés, ça compense le U2. Notre vague s’élance à 0h20.
Je sais que nous avons 8km d’ennui total sur le bitume, à traverser des zones industrielles grisatres et avec quelques bons gros faux plats montant. Mon plan prévoit que je reste dans une zone très tranquille. Entre 9,5 et 10 km/h. Estelle, la musique vissée sur les oreilles, nous impose un rythme un peu plus rapide. Ma binôme de VMA, si métronomique d’habitude et qui nous a souvent repris à cause de nos accélérations intempestives, voilà que c’est elle qui accélère le jour J. Bruno et Cyril nous ont déjà lâché. Dans ce petit peloton, pas trop serré en mode tranquille, je retrouve Bastien « Djailla », le même Bastien que j’ai retrouvé par hasard au finish des 20 km de Paris. Celui dont la cousine, randonneuse, nous a encouragé par hasard au milieu de notre trail islandais l’été dernier. Décidément. Il nous dit qu’il va courir la course tranquille, comme si nous allions trop vite pour lui, qui a déjà fait cette course plusieurs fois. Il finira plus d’une heure devant nous. Comme quoi, l’expérience …
Finalement, Anne-Claire sent que contrairement à ce qu’elle avait prévu, elle ne pourra pas suivre le rythme d’Estelle qui a l’air en super forme. Comme je suis le plus raisonnable (si, si j’y tiens, pour une fois), elle me dit qu’elle va essayer de suivre mon rythme. J’avais prévu de courir la Sainté tout seul en mode « respecter ma gestion de course ». C’était mon objectif de l’année. Pas forcément faire un temps, mais me prouver que je pouvais gérer un objectif raisonnable. Anne-Claire n’avait même pas prévu de faire cette course à la base. Elle voulait la faire avec Alexandra qui a du déclarer forfait. On ne se quittera pas jusqu’à Gerland. On va refaire comme en Islande et au final, ça n’est pas plus mal. D’autant que les plans de mon roadbook vont vite tomber à l’eau .. ou plutôt dans la boue, le grand thème de cette année.
La gadoue, la gadoue !!!
Dés les premiers chemins, avant même le premier ravito de St-Christo, le terrain est très très très gras. Une boue profonde, très humide, qui colle bien. Pour l’éviter, la solidarité s’organise parfois pour passer par dessus des barbelés, dans les champs. C’est d’ailleurs là que mon collant et mon cuissard y laisseront du tissus. Et vu où est le trou sur mon Sigvaris tout neuf, je me dis que j’ai de la chance. J’aurais pu chanter en soprano à quelques centimètres près.
Ceci dit, je vis cette première partie beaucoup mieux que l’année dernière. Je ne me suis pas cramé sur le bitume. Il faut dire que cette fois, St Christo n’est pas mon arrêt final, juste une toute petite étape dans la longue nuit. Je gère. Et je n’ai pas à faire le cirque des Yaktrax comme sur la glace. Même si la boue n’est pas beaucoup mieux en terme de glissade.
St Christo en Jarez (15 km) – 1h50 – 4 mn d’arrêt
Le résultat est sans appel, je gagne même 2 mn par rapport à mon temps de l’an dernier. Et j’ai 13 mn d’avance sur mon roadbook. Estelle et Richard, que nous avons rattrapé je ne sais pas trop comment, décide de ne pas s’arrêter au ravito. Je dois faire une pause technique et Anne-Claire a envie de passer au ravito. Mon plan prévoit 3 mn d’arrêt mais nous en prendrons 4. C’est presque la seule fois où nous n’aurons pas d’arrêt beaucoup plus long que prévu à la base. C’est surtout du au fait qu’il n’y a pas de cohue à ce premier arrêt. Ça sera le deuxième thème de la nuit : les bouchons, aussi bien dans certains chemins qu’aux 3 ravitaillements suivant.
En route pour Sainte-Catherine. Un coup d’oeil sur le profil et l’on sait que ça va beaucoup grimper sur cette partie. Quasiment la moitié du dénivelé positif est sur les premiers 30 km. En plus, le speaker à St Etienne nous a promis qu’après des chemins très très très très boueux, ça serait plus sec après Ste Catherine. Dans le peloton, beaucoup se répètent ça. Et ça s‘avèrera totalement faux. Nous avons de la boue quasiment jusqu’à la fin.
Ste Catherine (27 km) – 3h36 – 17 mn d’arrêt
Arrivés à ce 27ème km, nous retrouvons Estelle et Richard qui cette fois ont pris leur temps. C’est bondé autour des tables. Je fais refaire le niveau de mes bidons. J’oublie au passage de remettre de la poudre High 5 dans le bidon de boisson. A ce stade ce n’est pas très grave, je compenserai par des gommes et des gels. Je respecte ce que j’avais prévu à la base : uniquement des bananes et des Tuc aux ravitos. Bon là, tous les Tucs ont été dévorés par les milliers de traileurs devant nous, y compris ceux de la Saintexpress, alors que c’était leur lieu de départ. Merci mes deux collègues, Jean-Roger et David qui m’ont dit ne pas s’être privés.
Nous sommes arrivés à Ste Catherine au bout de 3h36 contre 3h34 sur le roadbook. C’est bien. Mais notre arrêt dure 17 mn au lieu des 8 prévu. C’est un peu normal, vu le monde et l’effet de groupe. Surtout pour un arrêt technique où l’on doit attendre, chacun notre tour, devant les cabines de toilettes. Nos prochains arrêts dureront à peu près le même temps.
Prochaine étape St Genoux. Si le profil général est à partir de ce moment vers la descente, il reste quand même pas mal de bosses bien boueuses. Et surtout, deux descentes dangereuses, avec panneaux pour les indiquer. Dont la mythique descente du bois d’Arfeuille. Nous croisons plusieurs personnes blessées, emmitouflées dans leur couverture de survie dans l’attente des secours. Sur les hauteurs, une petite neige et le vent me font apprécier le fait que j’ai conservé 3 couches alors que tout le monde parlait de n’en garder que deux, la 3ème dans le sac. Ma softshell ne me fait pas défaut. Quand j’ai trop chaud, je l’ouvre et cela suffit à réguler.
L’ambiance est très spéciale. Je suis agréablement surpris, moi qui avait un doute sur le fait que j’apprécie vraiment cette course qui n’est pas un pur trail. La guirlande de frontale est magnifique, l’ambiance dans le peloton est plutôt sympathique, même si on en est pas à avoir des discussions de comptoir. Ceci dit, l’alternance de montée où l’on marche bien, mais on marche quand même, et de descentes « casse-patte » où la boue et les cailloux se liguent pour nous empêcher d’aller vite, j’ai du mal à reconnaitre le cliché « la Sainté c’est une course roulante tout le long ». Parole de gens qui courent ça dans les 8h, n’ont pas eu plusieurs milliers de gens qui ont « travaillé » le terrain avant eux et qui ne vivent donc surement pas la même course que nous. Ajouter à ça de véritables bouchons sur des singles et mon beau plan de course commence à s’étioler. Ce n’est pas si grave. Je suis en train de me dire que j’adore cette course. Les passages au milieu des bois, avec les branches recouvertes d’un fine couche de neige, donnent une espèce de magie. Qui a dit que le paysage n’était pas beau la nuit ? Il y a même du public bruyant avec des cloches et des lumières de Noël à 5h du mat’, au bord des chemins. Y’en a même qui ont fait un grand feu et qui pique-niquent.
St Genoux (38 km) – 5h46 – 15 mn d’arrêt
Nous sommes presque surpris, au détour d’un chemin, de voir la tente de St Genoux. Tout autant que d’y retrouver Estelle et Richard. Nous courons depuis 5h46. Cela fait 34 mn de retard sur mon plan. On est encore bon vu que ce plan était de la pure théorie et que l’algorithme de Michel Bowie, qui m’a servi à le faire, est plus fait pour des bons coureurs. Nous croisons Yann, notre pote d’Urban Running. Un gars qui vaut 3h au marathon. Il a l’air complètement dégoutté et nous dit qu’il arrête. La boue, les descentes et le refroidissement, causé par les trop grandes portions marchées, ont eu raison de sa motivation. A ce moment, je me dis que tout va encore bien, qu’on a géré, Anne-Claire et moi, comme des chefs vu que l’on est encore relativement en forme.
Rien que traverser ce ravito bondé nous fait perdre du temps. J’arrive à peine à attraper un bout de banane au passage. C’est une épreuve en soi d’atteindre les tables. Je bois un Pepsi. Encore une lubie en trail. Je ne bois jamais de truc trop sucré en temps normal. Mais là, les bulles et le sucre sont un petit plaisir qui fait du bien au moral. Je remplis ma gourde d’eau, refais le niveau de boisson énergisante, en n’oubliant pas la poudre cette fois. Encore un quart d’heure d’arrêt. A partir de là, je sais que je ne cours plus la course prévue.
Et ça ne va pas aller en s’améliorant. Le rythme a ralenti. Je me fais la remarque qu’au bout de 8h, notre temps pour les 55km, 1900 m D+ en Islande, nous sommes loin de notre moyenne de cet été. A un moment, je sens que ça tape dur dans les jambes dans les descentes. J’ai les genoux en feu et impossible de garder une technique acceptable. Les bons conseils d’Aurelia Truel, lors de nos séances de technique, sont impossibles à appliquer. Je commence à souffrir comme je n’ai jamais souffert en trail avant. Un relayeur me parle comme un coach et se fout un peu du manque de souplesse de ma foulée. « Il faut bien dérouler en descente ». Ben voyons.
A cela va s’ajouter un début de douleur aigue dans le bas ventre. Encore un truc que je redoute, plus que de frapper le mur, les problèmes gastriques. J’ai d’ailleurs de l’immodium dans mon sac et pas mal de paquets de mouchoirs. Je pense à Vincent Gaudin qui racontait ses déboires lors de sa première Sainté. Je n’ose pas prendre de l’immodium, sachant qu’un blocage violent risque d’être pire que le mal.
Quand on examine bien le profil d’altitude, on se rend compte que la soi-disant descente de la moitié de parcours est en fait une succession de petites bosses. A chaque descente, j’ai droit à la double peine, les jambes raides qui me brulent et l’estomac qui se tord. Mais j’ai encore de la caisse en montée, avec un cardio qui ne s’emballe jamais.
Normalement, cette succession devrait être à l’avantage de notre équilibre, je perds Anne-Claire en montée, elle me rattrape en descente. Mais j’ai quand même l’impression que les descentes se font moins techniques, donc je cours plus et au bout d’un moment, je ne vois plus ma chérie derrière moi. Le vieux rêve, un peu fou, de faire notre première Sainté vers les 10h, voire en dessous, est enterré. Mais un rapide calcul me fait dire que c’est encore possible de faire moins de 11h. Je ralentis, m’arrête un peu, me retourne sans arrêt. Pas d’Anne-Claire. On vient de passer une belle bosse en positif, j’ai peur qu’elle ait calé là. Et c’est quand je ne m’y attends plus qu’elle apparait juste devant moi, cachée derrière un autre coureur. A ce moment, je ressens la même chose que quand on se retrouve après plusieurs jours de séparation. Je vais « euphémiser » en disant que je suis très très très heureux. Elle ne lâche rien. Si on était pas au milieu de la campagne en train de courir toute une nuit, je la prendrais dans mes bras. Elle me dit qu’elle a eu un petit passage à vide, que ça ne sera surement pas le dernier, qu’elle ressent les effets du manque de sommeil. Tu m’étonnes. Je dois être gavé de la caféine de mes gels et gommes Gü parce que je n’ai pas souffert de cela pendant toute la course. Nous arrivons à l’avant-dernier ravitaillement.
Soucieu en Jarrest (49 km) – 7h38 – 15 mn d’arrêt
A notre arrivée, Estelle et Richard sont déjà sur le départ. Je pensais qu’ils avaient plus d’avance que ça sur nous vu le passage à vide. Mais ils ont l’air de souffrir aussi.
Je suis surtout content de trouver des toilettes. J’ai géré au mieux les « petits désagréments » mais c’est en train de ruiner mon enthousiasme. Je sais que je n’abandonnerai pas sur blessure à un « semi » de l’arrivée. J’ai mal partout, je me dis que je vais finir avec deux belles tendinopathies du fascia lata ou autre « joyeuseté » du genou, que je pourrais regretter pendant des mois. Mon mental de bourrique fait que je ne me pose même pas la question de l’abandon pour cette raison. Je suis même encore content d’être là. Je kiffe vraiment cette course. Même sur le bitume qui, finalement, repose bien, merci les semelles oversize des Hoka, et me permet d’avancer un peu. Même si je suis loin du plan de Thomas qui consiste à profiter de cette fin de parcours pour rattraper son retard. Nous on en accumule toujours plus.
Par contre, l’estomac en vrac, c’est impossible à affronter au mental. D’ailleurs, tant pis, je continue de m’alimenter et boire. Et avec le recul, je pense que c’est précisément une des causes possibles, l’eau glaciale de mes bidons. Sur le moment, je n’ai pas le bon réflexe de la réchauffer dans la bouche avant de l’avaler. Et je devrais improviser au moins deux arrêts d’urgence. Ce qui, en zone péri-urbaine, en plein jour, n’est pas une mince affaire.
Chaponost (59 km) – 9h24 – 13 mn d’arrêt
Cette fois, nous ne croisons plus Estelle et Richard. Il nous diront qu’ils ont préféré ne plus s’arrêter. Nous profitons du fait qu’il soit moins bondé que les précédents pour manger et nous étirer un peu. J’évite le fromage et le saucisson qui me font bien envie. Je trouve enfin un Tuc. Je refais le plein de liquide et vais faire le tour obligatoire au WC. Je ne vous détaille pas l’horreur.
J’en profite, ayant toujours ma dignité, pour remettre mon dossard chasuble par dessus ma veste pour qu’on la voit bien à l’arrivée. Dans 13 km, je compte bien faire une belle arrivée main dans la main avec ma petite femme qui tient bien le coup.
Les 12 kms les plus longs de notre vie
Dans les clichés sur la Saintélyon, on entend souvent que la dernière partie, celle qu’emprunte la petite soeur Saintésprint, entre Soucieu et Lyon, est une espèce de semi-marathon avec beaucoup de bitume. Je ne sais s’ils ont changé le parcours mais je m’attendais à moins de chemin, et donc moins de boue que ça. Et il reste quelques bonnes petites bosses des familles. Dont la pire, la fameuse montée de Sainte-Foy. La « côte de trop » comme l’annonce un coureur expérimenté qui accompagne un groupe. Mais encore une fois, les montées ça me repose. Par contre, j’ai encore perdu Nanoo avant cette fameuse côte. Je ne m’attends pas à ce qu’elle me rattrape la dedans. Je l’imagine en train de râler (« ils sont sérieux là ? ») ou de pleurer devant cette « mauvaise blague » de fin de parcours. Bah, je me dis que je l’attendrai de l’autre côté, à Lyon, en bas de la toute dernière descente, où elle continue normalement d’aller un peu plus vite que moi.
A un moment, je me retrouve avec Eric, le finisheur de notre équipe de relais de l’année dernière. On est à la même allure. Un escargot pourrait nous mettre la misère. On est loin de nos séances de VMA au stade Suzanne Lenglen. Visiblement, il a les jambes dans le même état que les miennes. Je le laisse partir pour attendre encore Anne-Claire. J’ai bien fait de prévoir qu’elle me rattrape en descente parce qu’elle me double dans les escaliers qui vont vers le confluent Saone/Rhone. Il faut dire que je fais assez pitié, accroché à la rambarde, à descendre à l’allure d’un déambulateur d’hôpital et sentir des couteaux à chaque marche. Un bénévole en bas m’annonce en rigolant qu’il en reste encore derrière. Ça me fait sourire. Il doit avoir raison mon kiné, j’aime avoir mal.
La fin sera plus clémente. On est même plutôt en train de courir … à 7 ou 8 km/h maximum. Les derniers kilomètres sont bien sur les plus longs. À l’heure qu’il est, le parc avant l’arrivée est plein de gens pour nous encourager. Je croise Jean-Yves, un trailer qui s’entrainait chez Urban l’année dernière. Je lui demande son temps, il me réponds 9h24. Bravo. Je me retourne pour que Nanoo me rattrape une dernière fois. Elle est juste derrière.
Lyon – Parc de Gerland – 11h30
On tient notre finish main dans la main sous l’arche lumineuse. Ça fait toujours son effet, l’entrée d’un couple comme ça. 11h30 d’effort pour une arrivée magique. 11h30 d’effort pour un t-shirt. Un très beau t-shirt. Le t-shirt le plus beau et le plus cher du monde. Mon premier avec le mot « FINISHER » écrit dessus.
Dans l’état où je suis, je n’ai pas, comme d’habitude, le sentiment que je suis trop frais donc que je n’ai pas donné mon maximum. Au contraire, là j’ai vraiment souffert. Mais ça me rassure sur mon mental.
Mon premier vrai sentiment est par contre sans appel : sauf agenda qui ne le permet pas, je reviens l’année prochaine. Ça y est je sais ce qu’est la Sainté. Ce n’est pas cette course « chiante » que décrive les puristes du trail. C’est une course hybride à l’ambiance particulière. J’ai l’impression d’avoir vécu une semaine d’aventure en une seule nuit. Je sais que je peux mieux gérer, le monde, les arrêts, l’hydratation. J’ai vachement progressé en trail. Pas une seule cheville tordue malgré la boue, avec des Rapa Nui d’Hoka One One. Pas de crampe, pas de coup de mou, de cardio qui s’affole. Juste un peu de souffrance physique en endurance à travailler pendant un an. Après tout, ma distance maximale, à la même époque l’année dernière, était de 25 km. J’ai franchi plusieurs caps. Je suis encore un débutant mais j’ai couru 72 km. 3 jours plus tard, les courbatures ont quasiment disparu et mes peurs d’avoir contracter quelques nouvelles blessures se sont avérées vaines. J’ai juste récupéré ma douleur au fessier comme si elle avait décidé de m’épargner uniquement pour la course. Mon kiné s’attendait à me voir revenir cassé en deux. Et bien non.
Quant à ce que je ressens quand je pense à ma petite femme. Une vrai guerrière. Un mental à toute épreuve. Chaque passage de ligne d’arrivée avec elle devient une espèce de renouvellement de vœux de mariage. Un instant de magie partagée.
Plus tard, je me dis que cette Saintélyon m’a calmé sur le trail. La boue, la caillasse, les descentes techniques … j’adore ça mais là, dans un avenir proche, j’ai envie de courir sans me poser de question. Le Marathon de Rome, notre prochaine aventure, est parfait pour cela. Anne-Claire me dira qu’il lui tarde aussi de voir les progrès sur marathon, par rapport à son premier, avec l’endurance que l’on a développé après tous ces trails.
Quelle année de folie quand même !!! Nous courons des courses depuis à peine deux ans et nous venons de finir la Saintélyon, une vraie course mythique pour les grands.
Si vous l’avez ratée, la version d’Anne-Claire est ici.
Petit bilan
Le matos
Je valide tout :
- Les Rapa Nui : pas terribles dans la gadoue molle mais qui se nettoient toute seule très vite, quand on en sort. Et agréable sur le bitume. Leur amorti m’a bien aidé sur la fin où ma foulée devenait n’importe quoi, surtout en descente.
- La frontale Petzl Nao, aucun problème avec le réglage de Julien « Mangeur de cailloux ».
- Les vêtements : je connaissais déjà les qualités de ma Soft Shell et mon t-shirt manche longue Wintertrail, les deux chez Raidlight. Mais mention spéciale à ma première couche Damart Sport. Ni trop chaud, ni froid sur les hauteurs quand le vent nous a fait perdre pas mal de degré de ressenti. Et une gestion de la transpiration exemplaire.
- Le cuissard Sigvaris : tout comme les manchons que j’utilise depuis plusieurs mois, j’apprécie beaucoup ce cuissard, aussi bien sa compression que les matières agréables.
- Et bien sur mon sac, mes chaussettes, mes guêtres, mes gants, mon bonnet … tout ce que j’utilisais déjà en Islande. J’ai déjà détaillé tout ça dans mes articles sur la préparation.
- La Suunto Ambit 3 (voir aussi l’article sur la prépa) : rien à redire sur l’autonomie. J’ai suivi la trace GPS pendant 11h30 et j’ai à peine consommé la moitié de la batterie, en mode 10s, précision normale, sans le cardio que j’avais désactivé sur le profil de sport, pour éviter que la montre passe son temps à le chercher. L’application d’alerte « EAU + GEL » tient plus d’un gadget. La plupart du temps, je n’ai pas entendu les « bip ». Là on se dit que le vibreur des Garmin aurait pu être un apport sympa aux Suunto. Idem pour l’utilisation des POI inclus à l’itinéraire pour les ravitos. Je pensais que les distances mesurées jusqu’au prochain POI/Waypoints serait mesurée en suivant le tracé. Mais j’ai l’impression que je n’ai eu que la distance à vol d’oiseau. Totalement inintéressant en trail. A revoir. Ce sont peut-être mes applications.
L’entrainement, la gestion de course
- Est-ce que nous n’étions pas un peu trop crevés par tous ces mois d’entrainement non stop depuis début Aout ? Peut-être. Plusieurs personnes nous ont dit qu’un plan sur 8 semaines suffisait pour la Sainté. A discuter avec nos coachs pour l’année prochaine.
- Chez nos potes, il y a eu une discussion sur le pour ou contre les longues randos-courses de plus de 4h. Là aussi, on trouve des avis divergents chez les coachs. En même temps, on adore ça les randos-courses.
- 1h04 d’arrêt aux ravitos au total, même si c’était difficilement évitable vu mon état gastrique et la foule, c’est quand même le double de ce que j’avais prévu en me croyant large. Il est clair qu’il faut en sauter quelques-uns, surtout compte tenu de nos capacités en boisson.
Des clichés que l’on entend sur la Saintélyon
- il y a du monde aux ravitos : oui, je n’imaginais pas à quel point quand on part en vague 3 (gros coeur de peloton)
- il y a trop de monde sur les chemins : oui. Même raison.
- la Sainté c’est trop roulant, c’est pour les marathoniens : Entre St Christo et Soucieu, on est quand même majoritairement dans un trail. Les descentes techniques avec la grosse boue ont conduit beaucoup de coureurs à l’abandon. Ceci dit, c’est quand même une des vraies difficulté de cette course : on y court beaucoup plus que dans un trail moyen (à notre niveau s’entend). 15 kmh/ pour les premiers, c’est sur que c’est rapide.
- Tu as assez de ravitos pour ne pas te charger en eau et nourriture, un porte bidon suffit : oui, mais il y a du monde. Il faut choisir. Moi j’ai fait un peu trop les deux. Je le saurai pour la prochaine fois. Je zapperai des ravitos.
- La Saintexpress et la Saintésprint sont faciles : euh pas du tout. N’écoutez pas les coureurs confirmés. La partie après Ste Catherine était aussi, sinon plus, dure que la première partie malgré le gros dénivelé que l’on voit sur le profil.
Et si vous préférez les images qui bougent, notre petite vidéo :
Eh beh, quelle aventure ! Bravo ! C’est beau cette communion avec ta chérie ! Pour autant, je ne me sens pas encore prête (en fait, pas très envie)…
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Merci pour la dédicace et les Tuc étaient pour moi bénéfiques. Je n’en pouvais plus de l’isostar gout citron, donc le couple Tuc et eau nature m’a été d’un grand secours. Moi l’année prochaine, je prends un bidon isotherme car l’eau froide voir limite gelée a eu raison de mes intestins… d’ailleurs là encore, l’année prochaine, je prends des lingettes pour mon sacre saint derrière qui a fini tout irrité 😉 Ben oui quand on a des problèmes gastriques, c’est souvent acide donc irritant…
Sinon beau réçit et je confirme que la Saintexpress, c’est déjà du sport 😉
yep sur les sorties très longue à vélo je fais tout à la lingette, j’aurai du faire pareil à la sainté, ça m’aurait évité 2j de graissage derrière…
Super CR. Vivement la vidéo.
Pour les problèmes gastriques, 2 trucs:
1- l’eau froide, ça te bousille, et avoir le bide à l’air. Moi quand j’enlevais ma goretex je la pliais pour la coincer sous les bretelles de mon sac sur mon ventre. Toujours le ventre au chaud. Meme quand je la gardais sur moi ouverte, je n’ouvrais pas jusqu’en bas. Toujours le ventre couvert. Pour l’eau pas de solution, je buvais des toutes petites gorgées régulièrement.
2- le sucre, j’ai l’impression que tu bouffes que des trucs super sucré genre gel etc … Sur le long, tant que tu peux il vaut mieux privilégié la vraie bouffe, surtout à nos allures, on est pas à 90%, l’estomac fonctionne encore correctement, et il préfère avoir un peu de fibre à broyer que du pure glucose. Et le combo gel/gomme + boisson énergisante c’est tout much. Faut ptet faire soit l’un soit l’autre, en tout cas pour moi c’est sur, très rarement de la boisson energisante, ou alors en très faible concentration.
C’est clair elle est pas chiante comme certains l’annonce cette course, mais pour moi qui ai l’habitude de la montagne, je me suis même pas rendu compte que je passais les passages difficiles, genre le bois d’arfeuille, j’ai demandé où il était en arrivant…
Y avait énormément de chemin, et les petites parties de bitumes avant les ravitos ça soulageait bien les chevilles. Bon c’est sur la fin y a beaucoup de bitume, mais quand t’as encore du jus, ça permet de finir fort.
Pour les ravitos et les bouchons c’est clair faut être dans les 2000 premiers. J’ai eu quelques passages à la queuleuleu, mais j’ai juste du marcher 2min le temps qu’on se mette en file indienne, ensuite ça courait tranquille.
J’avais jamais entendu parler de la bosse de Sainte Foy, pourtant j’en ai lu des CR, je me suis bien fait avoir sur ce coup là, va falloir que j’aille les relire voir si j’ai juste zappé l’information.
J’adore le renouvellement des voeux à chaque passage de Finish line main dans la main. C’est tellement ça. On l’a fait qu’une fois avec Sev, et il faudra qu’on le refasse.
Quand au rando-course de plus de 4h, pour moi c’est primordiale, je pense que c’est grâce à ces sorties que j’ai tenu le coup, et pas les sorties de 2h – 20kil sur le plat.
C’est clairement pas une course de marathonien. Y a peu de longue portion plate, y a des casses pattes régulièrement pour te flinguer ton rythme.
Cette course je l’a referrai, pas l’année prochaine, peut être la suivante, j’aimerai bien la faire en étant plus rapide et capable de courir les bosses pour m’approcher des 8h, ou alors avec 20-40cm de neige :).
Je n’ai mangé qu’un paquet et demi de gomme et un gel en fait. le reste c’est la boisson « pas si sucrée » que je consomme depuis pas mal de temps maintenant (gout légèrement salé donc ps écoeurante) et des bananes à tous les ravitos. La prochaine fois, j’emmènerais mes propres TUC 🙂 J’avais une barre salée Overstim’s mais c’est tellement pas bon que c’était vraiment si je ne pouvais plus absorber de sucre.
Si j’ai envie de la refaire c’est pour justement optimiser les arrêts et espérer avoir les mêmes jambes qu’en Islande pour faire comme toi sur la fin. Là ce n’était pas possible.
Pour le monde, tu avais peut-être raison. On a rattrappé trop vite les derniers de la vague 2 et on est jamais sorti du gras du peloton. Partir en vague 2 aurait pu nous faire gagner du temps.
Mais bon avec des Si …
T’as pas vu le panneau « descente dangereuse » au début de la descente du bois d’Arfeuille ?
Pour les randos courses, il y a les deux approches. Beaucoup de trailers, voire d’ultra, préfère les WE choc aux sorties longues en une seule fois. C’est exactement comme le principe de ne pas dépasser 2h de SL pour préparer un marathon. Après, il faut du « power walking » comme tu dis. Ca on en manquait pas, vu qu’on n’était pas en montagne, le dénivelé ressemble quand même pas mal à ce qu’on peut trouver en forêt ici (c’est même beaucoup moins dur qu’à Fontainebleau).
De toute façon, en 2015, on va faire de la vraie montagne (d’ailleurs y’avait plusieurs jurassiens qui présentaient des trails sympas dans le village). On commence par les Citadelles, dans les Pyrénées. L’année dernière, il parait que c’était l’enfer à cause de … la boue. Je n’aurais pas le temps de faire une vraie prépa pour ce trail, un mois à peine après Rome. On verra.
Super long récit mais super complet. Vous avez fait de très longs arrêts aux ravitos. Peut-être un peu cassants, non ?
Elle est merveilleuse cette course, n’est-ce pas ?
En rentrant dimanche, j’ai cru avoir perdu mon t-shirt Finisher. J’avais mal au coeur, vraiment très mal. Puis je l’ai retrouvé avec un énorme soulagement. Il vaut cher en effet hein.
Félicitations à vous.
C’est sur qu’on a été trop long. Mais comme je dis, les contraintes gastriques et le fait que nous soyons plusieurs a joué.
Je n’imagine même pas l’état dans lequel je serai si je perdais mon t-shirt de finisher 🙂
J’ai lu ton CR, tu as eu l’air de t’éclater aussi.
Bravo (même si je me doute que tout seul tu aurais fait un meilleur temps)
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félicitations pour cette belle Sainté
le ravito de saint genoux mon dieu quel enfer
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Bravo les amoureux.
Elle a été bien gérée cette balade, même si on ne vit pas complètement le même événement (bouchons, ravitos encombrés…)
ça devrait te détendre pour la prochaine, même si on a toujours un peu mal partout pour rien avant ce genre de truc 😉
Pourtant j’ai dit à JR de ne pas se gaver de tuc et de laisser le dernier à Jean Guillaume 😉
Bravo Jean-Guillaume! J’ai l’impression que tu en as bien ch… (au sens propre comme au figuré). Je suis content de voir que tu as su apprécier cette course et que tu comptes y revenir en 2015.
Bravo pour tous tes progrès et cette course en couple! Ça, pour une première, c’est un première!
Merci. Plus que 4h à gagner et on te rattrape.
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Récit très complet, et saisissant! Je viens de publier un article sur cette course, n’hésitez pas à venir y jeter un coup d’oeil ainsi qu’y laisser vos avis sur cet évènement.
http://www.milepakr.com/blog/inspirations/saintelyon/